Pour éviter les pièges de la manipulation ou utiliser les leviers de l’influence à votre avantage, c’est essentiel de connaître quelques bases en matière de psychologie sociale. Il y a une référence en la matière : Robert Cialdini qui a écrit le livre « Influence et Manipulation ». Il y explique en détail 6 grands principes qui nous influencent au quotidien.

J’ai enfin lu ce livre qui ne date pas d’hier. Même si certains exemples sont vieillissants, il reste plus que jamais d’actualité tant nous sommes exposés à de nombreuses communications au quotidien.

Je vous présente dans ce nouvel article un résumé des 6 principes d’influence du livre en apportant mes éléments de réflexion personnelle.

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

 

Vous pensez prendre toutes vos décisions de manière rationnelle ?
Et pourtant… Notre prise de décision est souvent faussée par des biais cognitifs.

Un biais cognitif est une sorte de schéma de pensée faussement logique qui influence nos choix au quotidien. Quand la quantité d’informations augmente ou quand nous sommes pressés, cette sorte de dysfonctionnement dans le raisonnement est encore plus à l’œuvre.

Autant vous dire qu’à l’ère de l’infobésité, vous n’échapperez pas à de nombreuses techniques (comme le copywriting) pour attirer votre attention en utilisant ces biais cognitifs.

Influence ? Manipulation ? La frontière est souvent ténue comme nous allons le voir par la suite.

 

Principe 1 : la réciprocité

 

Pour bien comprendre ce principe, prenons un exemple qui devrait parler à tout le monde.

Un commercial vous propose des échantillons gratuits sans obligation d’achat sur un produit. Quelques temps plus tard, il revient vous voir ou vous appelle pour vous proposer de l’acheter.
Il est alors fort possible que vous vous sentiez redevable. Cela augmente vos chances d’acheter !

Un corollaire de biais qu’explique Cialdini est la concession réciproque.

Un vendeur vous propose d’emblée une offre élevée, par exemple un produit haut de gamme alors que c’est largement hors de votre budget ?
Il sait parfaitement ce qu’il fait. Il va ensuite descendre vers une demande plus raisonnable, ce qui va s’apparenter à une concession de sa part.

Vous serez plus enclin à acheter cette deuxième offre que si on vous l’avait présentée d’emblée. Vous avez en plus le sentiment d’avoir été acteur de cette décision.

Bien sûr, de plus en plus de personnes connaissent ces techniques. Mais nous préférons généralement l’évitement plutôt que d’enfreindre ce principe de réciprocité, si important pour notre vie sociale.

 

Ce principe est notamment utilisé en marketing. On offre par exemple un livre blanc ou un autre contenu gratuit. En retour les lecteurs seront plus enclins à laisser un commentaire ou à aller commenter des posts sur les réseaux sociaux par exemple. Cela plébiscite un marketing généreux où on pense à donner avant de spammer les prospects.

Les risques d’abus de cette technique existent bien sûr : l’utilisation à des fins de manipulation par les sectes pour rendre les plus faibles redevables par exemple. Mais c’est aussi un principe qui valorise les plus généreux : il est plutôt rassurant de se dire qu’une personne généreuse finira par recevoir en retour même si elle n’a rien demandé.

 

Principe 2 : l’engagement

 

Après avoir pris une décision…nous sommes encore plus convaincus que c’est la bonne !
Bizarre, non ?

En fait, nous avons tous un désir de cohérence.
« Bien sûr que j’y crois à ce produit miracle maintenant que j’ai payé ! »

Cialdini raconte une anecdote sur une utilisation marketing assez incroyable à ce sujet.

Il relate les pratiques des entreprises de jouets américaines qui font des publicités à la télévision à l’approche de Noël. Suite à cette communication, les jouets viennent gonfler la liste de la commande au père Noël à la demande des enfants.

Problème : ces jouets sont en rupture de stock au moment de Noël ! Les parents sont alors bien obligés d’acheter un jouet « substitut » à leurs enfants.

Et après Noël, que se passe-t-il à votre avis ?
Les stocks des jouets initialement désirés sont reconstitués et la publicité est relancée.
Les parents avaient promis d’offrir ce cadeau à Noël, ils doivent tenir leur engagement !
Et voici comment les magasins de jouets profitent du principe d’engagement pour combler la période creuse d’après Noël.

Le lien entre l’engagement et la cohérence est puissant. Si on pousse quelqu’un à un engagement quelconque, il est possible de le pousser vers une cohérence automatique.

Vous voulez un exemple ?
Si à la question « Bonjour, vous allez bien », vous confirmez que vous êtes en bonne santé, vous serez plus enclin à faire un don à des personnes malades si votre interlocuteur vous le demande.

De nombreuses utilisations abusives de ce principe existent.
Prenons l’exemple d’un client initialement attiré par une promotion pour une voiture. Après l’avoir essayé et longuement discuté avec le vendeur, il se décide à l’acheter.
Mais juste avant de signer la commande, on lui explique qu’il y a erreur !
La promotion n’est plus valable. Le client peut encore refuser l’offre. Mais il se retrouve piégé et a tendance à aller au bout de sa décision : c’est la technique de l’appât.

Il s’est construit tout un raisonnement pour se convaincre que c’est le bon produit pour lui. Faire marche arrière devient compliqué, encore plus si le vendeur lui paraît sympathique (cf. principe 4)


Heureusement il existe d’autres utilisations plus vertueuses expliquées dans le livre Influence et Manipulation.

Une expérience a été menée auprès de personnes qui se sont vues promettre que leur nom serait publié dans un journal si elles faisaient des efforts pour économiser l’énergie. Ces personnes ont alors commencé à mettre en place les actions nécessaires. Puis quelques temps après le début de l’expérience, on leur a expliqué que ce n’est finalement pas possible de publier leur nom.

A votre avis, qu’ont fait ces gens ? Ont-ils abandonné ?
Non, les personnes se sont encore plus investies dans l’économie d’énergie ! En effet, leur raison est alors devenue interne et non plus externe. Ils ont construit une image d’eux-mêmes à partir du gain initialement promis. Puis ce pilier de l’engagement s’est ensuite suffit à lui-même.

Suite à l’expérience, les personnes sont désormais persuadées que ce sont des citoyens soucieux de l’intérêt général. Et si on utilisait cette technique un brin manipulatrice pour aller vers plus de sobriété énergétique ?

   

Principe 3 :  la preuve sociale

 

Lorsqu’une situation est confuse et ambiguë, nous avons tendance à nous remettre plus facilement aux actions d’autrui pour déterminer la conduite à tenir.

Vous décidez souvent du comportement à adopter en vous fondant sur les actes des autres surtout lorsque ces autres vous paraissent semblables à vous-mêmes ?

Pas de doute, vous êtes sous l’influence du principe de la preuve sociale.

L’utilisation de ce principe est bien sûr omniprésente dans le domaine du marketing, dans un objectif de réassurance du prospect ou du client. Vous serez par exemple plus enclin à travailler avec une personne si vous savez qu’elle a travaillé sur des projets similaires au vôtre.

Il est bien sûr important de vérifier que les témoignages et autres preuves sociales sont sincères. Sinon, on franchit une nouvelle fois la frontière entre l’influence et la manipulation.

Pour aller plus loin, il faut aussi savoir que ce biais cognitif peut provoquer le phénomène d’ignorance collective qui peut avoir des conséquences qui font froid dans le dos. Si une urgence n’apparaît pas de manière évidente, nous pouvons être poussé à l’inaction alors que les circonstances le nécessitent.

Robert Cialdini évoque à ce sujet l’affaire Genovese, qui raconte l’histoire du meurtre d’une femme malgré plusieurs témoins. Bien que la version initiale du New York Times ait été remise en question depuis, l’affaire met en évidence ce phénomène d’effet du témoin.

Contrairement à une idée reçue, la sécurité ne vient pas du nombre. Au contraire, cela peut créer un cercle vicieux de passivité. Plus il y a de monde, plus on risque d’attendre que les autres agissent.

Rassurez-vous il existe une solution pour déjouer ce piège. Et non, le monde n’a pas sombré dans l’individualisme et le chacun pour soi !

La solution est d’être clair sur le besoin d’être secouru et de dire aux autres quoi faire. Si le sentiment d’urgence est évident, les expérience menées par Cialdini démontrent que la grande majorité des gens fera preuve d’humanité en agissant dans le bon sens.

 

Principe 4 : la sympathie

 

Nous aimons ce qui nous ressemble. Nous avons tendance à avoir de la sympathie pour les personnes qui partagent notre opinion, une personnalité ou un mode de vie similaires à nous.

Une nouvelle fois, les professionnels de la vente ont parfaitement compris l’effet puissant de ce biais pour pousser à un achat en utilisant le principe de similarité. « J’ai de la famille qui habite là-bas », « je comprends, j’ai aussi des enfants en bas âge». Ces similarités créent de la proximité, non ? Si les similarités sont réelles, c’est le jeu de l’influence mais si c’est un mensonge alors il y a manipulation.

Tupperware utilise à merveille le pouvoir de la sympathie pour parvenir à ses fins : quoi de plus puissant que faire acheter des produits auprès d’une amie ?

La coopération est également un puissant ressort de la sympathie. C’est la technique du commercial qui fait semblant (ou non !) de se battre contre son patron pour obtenir un rabais. Il gagne ainsi davantage votre confiance pour la suite.

Mais il y a encore plus puissant : le principe d’association.

Saviez-vous que des présentateurs météo ont déjà reçu des menaces suite à des intempéries ? Bien qu’ils n’y soient pour rien, ils sont associés à la météo qu’ils présentent dans l’esprit de la majorité de gens.

Vous comprenez aussi mieux pourquoi certains sont très doués pour parvenir à s’associer d’une manière ou d’une autre à une bonne nouvelle même quand ils n’y sont pour rien ! Ces fameuses personnes qui maîtrisent l’art d’être toujours sur les photos 😊

Les marques ont bien compris la puissance de ce principe en associant par exemple un produit à l’image d’un sportif de renommée internationale.

La force de ce principe permet de construire une communauté autour de ses valeurs et encourage à une posture authentique. En étant vous-même, vous attirez la sympathie de gens qui vous ressemblent, d’une certaine manière. Le storytelling est notamment une technique intéressante si l’histoire racontée est sincère.

 

Principe 5 : l’autorité

 

L’influence de l’autorité a sûrement été rendue célèbre suite à l’expérience de Milgram. Je vous conseille de vous y intéresser pour mieux vous rendre compte de toute sa puissance.  C’est assez incroyable de voir jusqu’où l’être humain est prêt à aller en se soumettant à une autorité qu’il juge légitime ou non.

 

Ce principe d’autorité trouve bien sûr une application toute trouvée en marketing : quoi de mieux que d’associer un produit médical à un médecin en blouse blanche ? Ce qui est puissant, c’est que même l’apparence de l’autorité peut fonctionner. Par exemple, un acteur connu qui joue le rôle d’un médecin dans une série ou dans un film peut quand même être influent pour vendre un produit médical.

Les vêtements ont aussi une influence : c’est l’obéissance à l’uniforme. Ce principe a longtemps été utilisé par les arnaqueurs dans le domaine financier par exemple. Cet exemple est peut-être moins d’actualité car le phishing et d’autres techniques en ligne l’ont largement remplacé. Mais une personne habillée comme un banquier d’affaire peut vous jouer des tours ne l’oubliez pas.

N’avez-vous jamais déjà senti un changement brutal dans le rapport avec une autre personne lorsqu’elle vous présente son métier ? Quelle attitude adopter avec une personne qui vous explique être procureur ou encore médecin chef de service ?

C’est difficile de résister à l’influence des titres. Cela peut conduire à des problèmes comme des infirmières qui appliquent « mécaniquement » les demandes d’un médecin même quand elles sont absurdes.

A l’inverse, s’appuyer sur son autorité ou sur celle d’un expert peut être puissant pour diffuser des informations sur la santé ou sur l’écologie pour améliorer le quotidien des gens ou l’avenir de nos enfants. A titre d’exemple, je me sens plus légitime pour parler de biodiversité depuis que j’ai obtenu mon diplôme d’accompagnateur en montagne.

 

Principe 6 : la rareté

 

Nous semblons plus motivés par la crainte de perdre une chose que par la perspective d’en gagner une autre, de valeur égale.  C’est le principe de rareté, largement utilisé dans le copywriting pour le lancement d’offres en tout genre « Places limitées », « Offre valable 48h ».

Chaque fois que notre liberté de choix se trouve limitée ou menacée, nous y attachons soudain plus de prix : c’est la réactance psychologique.  Un exemple ? Plus on critique la relation amoureuse entre deux adolescents, plus elle va tendre à se renforcer ! Cela montre aussi toutes les limites des interdictions en tout genre qui ont souvent l’effet inverse de ce qui est recherché comme l’explique Robert Cialdini à travers plusieurs expériences.

Le principe de la rareté peut aussi expliquer pourquoi la censure peut paradoxalement amener à s’intéresser davantage à une information censurée voire même à la croire. Si l’information est rare et non publique, on y attache plus d’importance tout simplement. Troublant, n’est-ce pas ?

Nous désirons davantage ce qui est brutalement devenu inaccessible. Pour illustrer, prenons l’exemple de la liberté. Si un gouvernement accorde plus de liberté pendant un temps donné puis fait marche arrière, il s’exposera à de plus vives réactions que s’il n’avait jamais rien accordé. C’est également le fondement de nombreuses stratégies marketing.

Si vous vous servez de la rareté en marketing pour créer artificiellement un sentiment d’urgence, vous êtes dans la manipulation. Il doit y avoir une raison valable qui justifie la rareté.

 

Le mot de la fin sur le livre Influence et manipulation

 

Vous connaissez maintenant beaucoup mieux, je l’espère, les principaux biais cognitifs qui influencent vos décisions au quotidien.

En avoir conscience va vous aider à vous protéger des nombreuses tentatives de manipulation auxquelles vous êtes exposé au quotidien.

Il est aussi très utile d’utiliser ces 6 principes décrits dans le livre pour faire du marketing et du copywriting. Il me paraît néanmoins important d’être le plus au clair possible sur la limite qu’on se fixe entre manipulation et persuasion.

Faites bon usage de ce résumé du livre « Influence et manipulation » !

 

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